Difficile de ne pas être intrigué  face à l’exposition qui se tient au Musée des Tissus à Lyon depuis une petite semaine. A l’honneur, les parures habillant les statues de sainte-vierge, une coutume que je ne connaissais pas, en bonne déiste que je suis.

C’est à Toulouse, à la basilique Notre-Dame la Daurade que la liturgie se perpétue encore aujourd’hui, avec une vierge noire protectrice des mères et des femmes enceintes qui se laisse habiller (et déshabiller) au grès des saisons. Une manière de l’honorer voire de se l’approprier en espérant un beau jésus joufflu.

Deux étages nous attendent. Et c’est par le plus étonnant que l’on commence, au rez-de-chaussée, avec une vingtaine de robes datant du 18ème jusqu’au début du 21ème siècle.
Dans une pièce plongée dans une semi-pénombre, les robes sont posées en hauteur, à plus d’un mètre du sol, sur une sorte de podium longeant les murs. Les couleurs sont incroyables. Maximilen Durand, commissaire de l’exposition et nouveau directeur du Musée des Tissus, nous rappelle alors la richesse des étoffes, entre soie, dentelle, broderie et cachemire.

Maximilien Durand nous parle de la richesse des parures

Et moi qui croyais me laisser emporter par l’aspect historique du sujet (remettons en place nos lunettes en écailles de tortue) c’est finalement la beauté des tissus, la prestance des parures qui attire mon regard. Les robes les plus récentes, créées sous l’impulsion de l’association pour la promotion du patrimoine de la Daurade, sont aussi celles qui permettent une nouvelle fois de sortir du cadre historique. Franck Sorbier , Jean-Michel Broc mais aussi Jean-Charles de Castelbajac proposent une réécriture bien particulière. Surtout pour ce dernier.

La « Battle Dress » de Jean-Charles de Castelbajac

Photo de Pierre Verrier

L’occasion de montrer que le textile ne sert pas seulement à parer, mais crée toute une symbolique, engendre des croyances, théâtralise et soulève des questions.

A l’origine de cette exposition, Maximilien Durand, le nouveau directeur fraichement débarqué de Paris en mai dernier, professeur à l’école du Louvre spécialisé dans l’art sacré. Plutôt logique donc, qu’il nous propose une exposition de cette tonalité (en témoigne son livre, « Parfum de Sainteté »)

Pour moi, difficile de ne pas me sentir parfois un peu mal à l’aise lors de la visite. J’ai même entendu certain(e)s parler de « moment de grâce, dans tous les sens du terme » de « proximité avec la vierge » ; et pour ceux qui –blasphème !- n’y croient pas ? Comment mettre en place une exposition sur un thème profondément catholique tout en s’adressant à tout le monde? Maximilien Durand m’a répondu :

« Pour moi c’était important d’avoir une scénographie qui soit théâtrale, dans la mesure où on est sur du costume presque de théâtre, avec des tissus précieux mais aussi des doublures faites rapidement, dans des tissus plus grossiers. Ce qui compte dans ces parures c’est ce qui est visible et donné à voir, pas le costume dans son entier. Et puis il y a aussi la vision morcelée du corps, la façon dont on  va sacraliser le corps simplement grâce à du textile. C’est un matériau à part, qui permet de susciter de nombreuses choses, en révélant et dissimulant, entre proximité et distance. C’est vraiment ça que je voulais mettre en avant dans cette exposition, beaucoup plus que le phénomène de dévotion qui est le fil rouge mais pas l’élément principal. La vierge est d’ailleurs ici très peu présente. »

Visiblement, Maximilien avait réfléchi aux critiques.

Son exposition reste une belle réussite, malgré quelques lacunes au niveau des explications symboliques : sans connaissances théologiques, il vaut mieux faire une visite guidée pour l’apprécier complètement.
Sinon, je valide. Bravo à lui.

Quelques notes pour la fin (et pour la jouer « c’est moi qui sait et pas vous » lors de soirées mondaines) :
« Chaque robe pèse 3 à 5kg »
« Il a fallu 5 mois pour sélectionner les œuvres, écrire le catalogue, faire la scénographie de l’exposition »
« La seule robe que l’on conserve aujourd’hui de Marie-Antoinette, c’est une robe qu’elle a donné à la vierge de Monflières (en Picardie) après la naissance de sa fille Marie-Charlotte. C’est Rose Bertin, la modéliste attitrée de la souveraine, qui a taillé dans une robe de Marie-Antoinette la robe de la vierge et de l’enfant jésus. »

Un petit teasing en exclu pour vous : pour la prochaine exposition au musée, on parlera du développement parallèle du portrait tissé (une technique Lyonnaise) et de la photographie qui l’a finalement tué.

Photo de Pierre Verrier
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