Comme nombre d’entre vous (du moins je l’espère,  sinon il s’agira seulement d’une opération de torpillage dans les pures lois du direct), je regarde Belle toute nue sur M6. Enfin regarder, le mot est loin d’être exact. Je scrute plutôt, religieusement, les femmes qui étalent avec impudeur non seulement leur corps mais aussi leurs histoires personnelles, leurs vies intimes et leurs problèmes de couple. Pourtant, dans Belle toute nue, nous ne sommes pas dans la perspective de Confession Intime, une autre grande émission (que je regarde aussi ; vous en doutiez ?).

Le but –avoué- ne serait pas d’étaler mais de magnifier. Redonner une confiance perdue en ces corps gros qui ne correspondent pas à notre idée de la beauté, voire dérangent ; c’est un tout autre débat.

Dans Belle toute Nue, le héros est d’abord William Carnimolla, qui semble tout droit sorti de l’imagination débridée du même type qui nous a présenté Cristina (« tou es oune ache ma chérrie! »). Des tee-shirt col v profonds sur un torse glabre, des lunettes à grosses montures, des gilets, des colliers voire du léopard ou des bracelets de force, William n’est pas le genre d’homme que l’on oublie. On attend même à chaque fois avec impatience ses petites piques blondes et sa moustache naissante.

La construction est à chaque fois la même : une fille, enrobée donc, nous parle de sa vie difficile, de son pyjama en pilou « rempart contre les regards de son mari », à demi-mot de sa vie sexuelle quasi inexistante, de ses regrets aussi, du temps où elle portait encore des jupes en jeans taille 38 ou moins. Elle rejoint ensuite William dans un studio tout blanc, se déshabille devant 3 miroirs indélicats, râle contre son corps puis se dit que finalement, ce n’est peut-être pas si mal que ça. Car Will a un discours bien rôdé ; je vais d’ailleurs essayer de retranscrire ça sans tricher, ce qui donne quelque chose comme : « Oui, tu as une grosse poitrine, mais une femme c’est fait pour avoir des seins et cela te rend harmonieuse, ils sont ronds, ils sont beaux. Tes hanches, oui, tu as une petite culotte de cheval mais enfin, c’est ce qui fait que ton corps est celui d’une femme. Regarde ton visage, il est beau, et cette peau, elle est parfaite, tu as une très belle peau ».  Il a le chic pour tout rendre simple.

Lorsque l’on poursuit, la jeune femme se confronte à d’autres femmes en chair (on ne pourra pas me reprocher d’être politiquement incorrecte) et se classe sur une échelle du plus gros au plus petit ventre, des plus gros aux plus petits seins ou de la plus grosse à la plus petite culotte de cheval, au choix. Après, la photo en sous-vêtements dans une position anti-esthétique au possible que l’on déploie dans des endroits incongrus (dans la rue, dans un restaurant, dans un marché de fruits et légumes). Et puis le relooking, où l’on accordera tout de même un certain talent à William, malgré quelques dérapages : non, le bustier, ce n’est pas fait pour les –très- grosses poitrines.

Au final, il faut faire une photo nue « oh mon dieu non, je ne m’y attendais pas du tout à celle là moi ! » et, plus récemment, un défilé en supermarché ou une danse dans la rue voire au cabaret. Pour finir à poil, hé ho, Belle toute Nue je vous le rappelle.

Toujours la même chose, toujours les mêmes histoires, toujours les mêmes joies aussi, de redécouvrir son sex-appeal et sa capacité à se plaire.

Le postulat ? Que pour s’accepter entièrement, il faut se montrer nue aux autres. Soit. Mais de quelle école de pensée sort cette idée foutrement idiote ? Si aimer son corps c’est l’offrir au monde, alors les exhibitionnistes seraient les seuls grands philosophes à avoir compris le secret du bonheur. L’idée, simpliste, est tentante. Un argument presque naturel : le corps nu, c’est la nature, se couvrir, c’est culturel, pudibond. Et voici que refont surface les hippies que nous avions oubliés.  Serait-on mieux dans notre peau lorsque l’on n’a pas peur de l’offrir aux autres ?  Et a-t-on pensé aux autres d’ailleurs ?

Pour toutes les filles de l’émission, on ne peut pas nier que la métamorphose est réelle ; mais pas aussi jouissive que lorsque l’on regarde Extreme Makeover (certains scrutent LCP, d’autres non). Je ne pense d’ailleurs pas que l’on visionne pour constater l’embellissement de la jeune femme. Il s’agit plutôt de se défouler, hurler devant la cellulite mise en lumière, râler aussi face à des femmes qui semblent en faire trop. C’est ainsi que pendant les essayages, toutes « adorent » se « trouvent magnifiques » « incroyablement belles et sexy ». Bon. J’ai peine à croire que beaucoup de femmes tiennent ce genre de discours devant leur glace mais soit ; je ne renie pas non plus le pouvoir de la télévision et du côté romancé qu’il entretient. Le dispositif médiatique modifie nécessairement le réel -merci Daniel Bougnoux, rentrez donc chez vous maintenant- mais quand même, trop c’est trop.

Alors je râle, je vocifère devant ses femmes qui paradent parfois et semblent avoir acquis une confiance à peine croyable. Peut-être ce programme permet-il à d’autres de relativiser sur leurs corps ? Il est pour moi voyeuriste et indiscret : doublement addictif. Un bon concentré de ce que peut nous offrir la télévision aujourd’hui.
Il me tarde de voir ce que l’on me donnera dans 30 ans.
Et je peux vous dire que j’en salive d’avance.

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