[ Déjà mercredi, le temps s’affole. Si vous n’avez pas suivi, le reste du carnet du voyage est ici ]

Skokie, un village dans Chicago
Notre second lieu d’attache fut découvert quelques jours après notre arrivée. Il s’agit de la propriété de la cousine de mon fiancé, ainsi que de son mari. Une autre petite maison, quoique plus moderne, et un autre jardin, tout aussi vert, entourée d’autres maisons et d’autres jardins, indéfiniment. Comme un album illustré de mots tels que « propreté », « politiquement correct », « pelouse très bien entretenue » et « grosse cylindrée ». Un monde un peu merveilleux, où l’on croise des lapins sauvages et des écureuils à chaque clignement de paupières. Alice n’aurait pas su où donner de la tête. Nous, nous nous croyons dans une nouvelle saison de Desperate Housewives. Alors on se promène dans les allées, on observe le vent dans les feuilles, les maisons imposantes et belles, presque trop parfaites, en se disant que les gens qui vivent là sont forcément tout aussi beaux et lisses. Contrairement à ce que l’on connait en France, chaque architecture est unique et ce n’est pas pour me déplaire : on disait les américains formatés ?

Au milieu, un terrain de basketball désert, où mon compagnon se voit déjà taper des balles sous l’air frais de Skokie, en buvant un Coca-cola trop sucré et addictif, et en me regardant poursuivre les écureuils –ai-je été un chien dans une autre vie ?- .

Juste à côté du quartier et de notre maison d’accueil, un boulevard où l’on peut trouver tous les magasins de première nécessité : le fameux Walgreens, la seconde plus grosse chaîne de pharmacies aux Etats-Unis, Burger King, pour un hamburger à toute heure du jour (ou de la soirée) ou encore Starbuck, parce que l’Américain adore le café en grosse quantité (et qu’il le déguste peut-être mieux quand il ne l’a pas fait lui-même). Un non-sens incroyable pour moi, avec l’idée que la tranquillité et les espaces verts sont nécessairement éloignés de tout lieu de vie.

L’Amérique remet en question les a priori que l’on traîne et c’est avec plaisir que je découvre qu’un autre monde est possible (un peu cérémonieux, mais pourtant, il n’y pas d’autre expression plus pertinente qui me vient à l’esprit). Quel plaisir émouvant que de pouvoir se balader dans la verdure tout en reniflant l’odeur d’un bon caffé latte provenant de Starbuck, de s’adonner aux plaisirs de la nature sans pour autant oublier son petit côté de sur-consommateur futile. Le quartier résume à lui seul ce que nous sommes tous, au fond –en mettant de côté, bien entendu, les adeptes de la décroissance-.  Comment faire pour ne pas l’apprécier ?

Le soir, alors que l’air se rafraichissait, on recréait quelque chose au fort un sentiment de déjà-vu cinématographique : le barbecue entre amis. Une institution en Amérique. L’homme de la maison allume le feu dans cette cuvette noire, utilisant charbon, allumettes et petit bois. La température monte lentement, et les steaks ou les côtes sortent de leurs emballages plastifiés. A l’intérieur, les femmes préparent les autres mets, commencent à apporter les boissons, et un brouhaha joyeux se met en place. Les verres en plastique rouge trinquent, je pioche dans des petits saladiers : heureusement pour moi, je ne suis pas végétarienne. Et c’est ainsi que l’on passe une belle soirée de fin d’été, sous l’halogène, dans un jardin à la douceur fraiche. Soirée qui se finira, nous nous en doutions, devant le grand écran du salon.

C’est ainsi que vivent ceux de la classe moyenne aisée, ainsi que ceux au-dessus. Mais pas ceux encore au-dessus ; le quartier de Michael Jordan, c’est autre chose. Finalement une vie tranquille, verte et proprette, où l’on entend peut ou pas le grondement sourd de la ville. Tout en ayant les commodités d’usage juste en face, bien loin des résidences banlieusardes françaises.

 

Via Niureitman on Flickr
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