(Ceci n’est pas un groupe de paroles pour nécrophile déviant, ni un forum d’échange de bons plans pour trouver une ou un nouveau partenaire de jeu. La nécrophilie, ça existe, mais ce n’est pas très très propre).

Alors qu’enfant on ne jurait que par les romans de fictions pour se sortir de notre routine école-goûter-danse-CaCartoon (ou, pour les garçons école-goûter-foot-dessins animés violents que Ségolène Royal n’appréciait guère) en vieillissant, on aurait tendance à se tourner vers des essais, des biographies, des livres de sociologie constructivistevoire des livres de recettes. La fiction est gardée pour la plage « ou pour lire des classiques ». Mais qu’en est-il des autres ? De toutes ces petites pépites glanées par hasard ?

Ainsi, je ne lis plus beaucoup de romans. Pas souvent ; du moins pas autant que je ne le voudrais, préférant m’intéresser au droit constitutionnel et à l’Actualité (c’est comme l’Histoire, on lui donne sa majuscule, elle risquerait de faire la gueule sinon).
Pourtant, un peu par hasard, en lisant justement un bouquin sur la censure et la violence au cinéma voici qu’apparait Le Nécrophile de Gabrielle Wittkop.
Aucune connaissance de l’auteur. J’apprends simplement que Philippe Barassat en a fait un court-métrage. Disponible à la bibliothèque, le livre est emprunté le lendemain.

Dans son édition enrichie de six collages de l’auteur, l’objet est beau. Il se veut être un journal. Pas de date précise, les faits se déroulent au cours du 20ième siècle, une manière de décrire un héros qui n’a pas d’âge. Antiquaire, collectionneur et solitaire, on l’imagine aisément poussiéreux comme sa boutique, livide comme ses porcelaines de Chine au milieu de ses appartements encombrés.
Son récit n’est pas quotidien. Un an s’écoule entre les pages, une année de délices et d’amours consommés, sans l’autorisation de l’autre partie. Des déterrés, souvent, rejetés ensuite au fleuve pour rejoindre la mer, après que Lucien ai assouvi ses pulsions. Ni violent ni honteux, pour l’homme il s’agit même d’un amour pur car il n’attend pas de contrepartie.

La description est minutieuse : odeurs, textures, fluides, sensations, tout est clair. Un peu trop peut-être. C’est pourtant bien ce qui fait la force de l’œuvre. L’écriture est à la fois légère et détaillée, sans tomber dans des détails superflus qui ne seraient là que pour l’aspect nauséeux. Ce qui est écrit est violent, mais indispensable.
C’est aussi érotique parfois, si l’on oublie que l’on parle de cadavres qui vivent seulement de l’intérieur. On en vient même à se demander comme l’auteur peut en savoir autant sur la vie de l’après. Gabrielle Wittkop n’assène aucun jugement de valeur : Lucien n’est jamais le bourreau. Il est un homme qui aime différemment, mais qui aime vraiment.

Seule véritable erreur de l’auteur ? La tentative d’explication qui s’enfonce dans des évidences freudiennes complètement idiotes. Oedipe, la sexualité enfantine, tout ça. On ne cherchait pourtant pas à comprendre : la nécrophilie n’a pas ce besoin. Ni même Lucien.
Dans sa chambre où volent les mouches bleues, il espère garder toujours ses amants. Pourtant le temps le rattrape et la vie par la même occasion : il faudra encore refaire un autre voyage.

Le Nécrophile, Gabrielle Wittkop, éditions Verticales

N’oubliez pas cette magnifique scène de « The Devil’s Reject » de Rob Zombie, vue au cinéma à l’époque. La nécrophilie à l’Américaine virile.

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